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dimanche 5 février 2006

Comment est-on passé de la construction d’une tour à celle d’une chaîne linguistique ?

Les femmes et les hommes parlaient au départ une seule et même langue. Puis, caressant l´espoir d´atteindre Dieu en construisant une tour, ils furent très vite punis en se voyant infliger un mal terrible et inconnu : le plurilinguisme.
S’agissait-il alors d’un plurilinguisme individuel, ou strictement d’un plurilinguisme de la collectivité, dans lequel un ouvrier de la tour équivaut à une langue ?
BabelCam donne à penser le fait que même si le plurilinguisme se situait également à l’échelle d’un individu, la communication serait mise à l’épreuve face à une diversité linguistique sociale toujours plus ample que les connaissances individuelles, ce dès lors que la lingua franca, la langue de commune communication devient l’objet du rapt…

Que se passerait-il en effet, si dans le monde d’aujourd’hui, à la suite d’un malencontreux miracle, les gens étaient atteints d’une amnésie soudaine de la langue anglaise ; ou si tous les Français se mettaient brusquement à chercher leurs mots en français ?
On peut à travers ces clips vidéos prendre la mesure de l’ambigüité, de l’ambivalence d´une telle malédiction, un peu comme si nous avions pu poster des caméras aux fenêtres du ziggourath de Babel - celles qui précisément avaient déjà eu le temps d’être construites - pour explorer le sentiment de forte perplexité des individus face à leur nouvelle condition.

Mais il arrive de temps en temps que cette perplexité se transforme en jubilation : une jubilation communicative portée par un joueur seul ou envers son partenaire lorsqu’il est accompagné dans la séquence ; de même, il y a la jouissance des spectateurs, lorsqu´ils sont captivés par l´exercice, de connaître progressivement le « fin mot de chacune des traductions en chaîne », une fin parfois attendue, parfois totalement improbable.

Peut-être qu’en leur privant des moyens de continuer leur entreprise de construction céleste, Dieu voulait-il donner aux hommes l’occasion de prendre congé d’un labeur par définition interminable ?
Il faut savoir en tous les cas que ce n’est que très progressivement que ces créatures se sont faits à l’idée de déposer leurs outils, leur pelle et leur ciment. Dans un grand effort de rassemblement, certains zélateurs du sky-building, plus versés en ingénierie sociale qu’en ingénierie des constructions complexes, ont tenté de regrouper les individus selon des configurations telles qu’ils puissent continuer leur ouvrage dans ce tohu-bohu linguistique. Avec ce principe en tête de réstituer le sens dans la confusion, les individus se sont regroupés par paires successives, de telle sorte que le premier parle la langue du second, que le deuxième parle la langue du troisième sans que celle-ci soit pour autant parlée par le premier, et qu’ainsi de suite, on s’efforce de trouver une personne qui soit à la fois capable de comprendre la langue du précédent et de parler la langue d’un suivant potentiel, pour pérenniser la circulation du message « en toute sécurité »…


- Source de l´illustration

Mais, l’interprétariat, ne s´étant révélé en tant que science exacte que bien après l’apparition mêmes de ces langues, les messages continuaient certes à circuler mais avec des effets de déformation dont on peut disposer d’une série d’exemples sur ce site ; et que seul un diplômé en babélistique aurait été en mesure de prévoir et d’annoncer.
Les erreurs d’interprétation ont provoqué une modification des perceptions du caractère des messages. Purement opérationnels, ils ont acquis une valeur auto-télique, ludique, créatrice. Dès lors, les habitants de Babel se sont mis à s'amuser à se surprendre et à découvrir leur nouvelle ressource: ils prenaient conscience du langage au moment où celui-ci s’est démultiplié.

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